Histoire
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Situé à 40 km au sud de Saumur sur l’axe Angers-Poitiers, le château d’Oiron est un écrin dédié dès son origine à l’art et à la culture. Aujourd’hui, entre décors historiques remarquables et créations contemporaines inédites, laissez-vous surprendre par ses curiosités et merveilles !
Le château d’Oiron est l’œuvre de la famille Gouffier.
Les Gouffier, seigneurs de Bonnivet et de plusieurs petits fiefs proche de Poitiers, sont devenus, pendant trois générations, l’une des premières familles de France.
Guillaume Gouffier (1435-1495) reçoit du roi Charles VII la terre d’Oiron en 1449. En lui accordant sa protection, celui-ci lui permet d’acquérir plusieurs seigneuries en Poitou -dont celle d’Oiron- et en Roannais.
Ses deux fils, Artus et Guillaume, tirent à leur tour parti d’une position privilégiée à la Cour.
Artus (1475-1519), suit louis XII en Italie puis devient gouverneur du jeune François d’Angoulême. Ce dernier devenu François Ier le nomme grand maître de France en 1515, à l’avènement de celui-ci au trône.
Son frère Guillaume, seigneur de Bonnivet, Amiral de France, meurt sur le champ de bataille après la capture de François Ier à Pavie en 1525.
Une génération plus tard, la famille atteint son apogée lorsque Claude Gouffier (1501-1570, fils d’Artus et de Hélène de Hangest) accède en 1546 au prestigieux office de grand écuyer de France.
Cette charge considérable consiste à porter les insignes du roi au cours des cérémonies officielles et inclut également la gestion de l'écurie du roi.
C’est aussi l’un des plus grands collectionneurs et amateurs d’art de son temps.
Héritier d'une fortune considérable provenant de son grand-père Guillaume et de son père Artus, Claude Gouffier se constitue une collection comprenant des tableaux de Jules Romain, du Pérugin, mais aussi le portrait du roi Jean Le Bon et le Saint Jean Baptiste de Raphaël, tous deux aujourd'hui conservés au Louvre.
Une copie d’époque du Saint Jean Baptiste dans le désert désignant la Croix de la Passion de Raphaël est visible dans la collégiale qui jouxte le château.
Héritier du titre de Comte de Caravas donné par François Ier à ses ancêtres, Charles Perrault immortalise Claude Gouffier dans le chat botté sous les traits du marquis de Carabas.
La collégiale d’Oiron abrite son tombeau, ainsi que celui de son père Artus, de son oncle Guillaume, et de sa grand-mère, Philippe de Montmorency
Longue de 55 mètres, la galerie de peinture du XVIe siècle, parmi les plus grandes de France, illustre à merveille le texte antique de l’histoire de Troie.
La galerie de peinture est une commande de Claude Gouffier.
Celle-ci est réalisée entre 1546 et 1549.
Le XVIIe siècle voit le déclin des Gouffier.
Louis (1575-1642), petit-fils de Claude, est duc et pair de France en 1620. Il s’oppose à Richelieu qui l’exile à Oiron.
La fin de la présence familiale des Gouffier à Oiron est marquée lorsque le petit fils de Louis Gouffier : Artus, cède le monument à sa sœur Charlotte Gouffier.
Charlotte, unique héritière, épouse François d’Aubusson, marquis de La Feuillade, qui s’intéresse quelques années à Oiron et y entreprend d’importants travaux.
Éloignée de la Cour, l'ancienne maîtresse royale de Louis XIV revient dans sa région de naissance.
Madame de Montespan achète le château en 1700 au nom de son fils le duc d’Antin (Louis-Antoine de Pardaillan de Gondrin).
Elle achève les travaux de La Feuillade avec la construction de la Tour des Ondes.
Elle partage sa vie entre sa propriété d’Oiron et ses cures à Bourbon-l’Archambault où elle meurt en 1707.
Après un lent abandon - les propriétaires se succédant du XVIIIe au XXe siècle n’ayant pas le même intérêt pour le domaine ou tout simplement ne pouvant l’entretenir, le château tombe dans l’oubli et manque d’entretien.
Dès 1840, Prosper Mérimée, Inspecteur des monuments historiques, attire l’attention sur les fresques menacées de la galerie Renaissance, et sur la nécessité de sauvegarder cet ensemble exceptionnel.
Le château est classé Monument Historique en 1923 et acheté par l’État en 1941.
Les premières opérations de sauvegarde (mise hors d’eau) débutent dans les années 1950
Parallèlement à la réflexion sur le devenir du château et à la conception d’une collection d’art contemporain inspirée par la personnalité de Claude Gouffier, un véritable programme de restauration est mis en œuvre à la fin des années 80.
Ce programme se poursuit encore aujourd’hui avec l’aboutissement d’un chantier exemplaire mené durant 7 ans sur le cycle de la Guerre de Troie et de l’Énéide de la galerie de peinture (de 2002 à 2009) et de la restauration du pavillon du Roi (2020, 2021).
En 1989, le ministère de la Culture décide d’enrichir le patrimoine historique par la mise en place, principalement par le biais de la commande publique, d’une collection d’art contemporain conçue spécifiquement pour le château.
La direction artistique du projet est confiée à Jean-Hubert Martin, et en 1993, la collection Curios & Mirabilia est inaugurée. Elle concrétise la plus importante expérience menée en France d’inscription d’une création contemporaine dans un patrimoine ancien.
Les œuvres rassemblées par Jean-Hubert Martin cherchent à renouer avec l’esprit de curiosité de la Renaissance en s’appuyant sur l’idée des anciennes collections qu’étaient les cabinets de curiosité.
Cette référence historique, traitée librement par les artistes, fait le lien avec le monument et redonne ainsi le sentiment d’un lieu habité aujourd’hui, tout en réactivant le souvenir des prestigieuses collections de Claude Gouffier (XVIe siècle).
Curios & Mirabilia prend appui sur l’idée d’un autre rapport au monde, celui qui à la Renaissance privilégiait une approche sensible de la connaissance.
Aussi, l’ouïe, l’odorat, le toucher, la vue et bientôt le goût, sont sollicités pour transformer la visite d’un monument historique et patrimonial en expérience sensorielle. Les senteurs du mur de cire de Wolfgang Laib, les sonorités de la musique de Gavin Bryars, les fauteuils de John Armleder pour le délassement du visiteur, les jeux visuels comme celui du couloir des illusions (Felice Varini) et toutes les créations réalisées pour ce château concourent à créer un parcours plein de surprises et d’émerveillements.
Le dialogue avec l’histoire s’instaure de manière forte dans les salles qui ont le mieux conservé le souvenir de leur fonction historique.
Daniel Spoerri, dans la salle du Roi, où s’affirment puissance et pouvoir, répond ironiquement aux princes du XVIIe siècle par ses Corps en morceaux qui réintroduisent quotidien et banalité comme nouvelle source du merveilleux.
Dans la chambre du Roi (les appartements d’apparat de Louis Gouffier, XVIIe siècle), lieu de la présence symbolique du pouvoir royal, les toiles monochromes de Claude Rutault sont enchassées dans la surface des murs pour devenir simples traces de tableaux ayant pu autrefois être là .
Dans la galerie des chevaux, Georg Ettl réveille l’iconographie ancienne et l’Histoire.
Aujourd’hui, cette collection permet au château d’Oiron de vous accueillir dans une logique d’authenticité que d’autres lieux historiques ont abandonné.
Au XVIe siècle, Claude Gouffier en avait fait le réceptacle de ses collections : sa personnalité et la nature privée du château donnaient le sens de leur présence.
Depuis, ouvertes à la visite du public, les salles du château n’ont pas été seulement utilisées à des fins de présentation d’œuvres, mais s’offrent remeublées, réhabitées, réactualisées pour un regard qui ne peut être que d’aujourd’hui. De plus, la logique de collection qui unit ces œuvres augmente le sentiment de leur appartenance au lieu.
Le sujet à Oiron est bien celui de la création dans sa relation au cadre que constituent l’histoire, l’architecture et le décor ancien.